Martine Chartrand / Photo : Caroline Hayeur
Martine Chartrand
Artiste visuelle - cinéaste / Visual Artist - FilmMaker
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MacPherson
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MacPhersen, ONF-NFB FÉLIX LECLERC ET MACPHERSON, L’HISTOIRE D’UNE AMITIÉ
Frank Randolph Macpherson est né à Kingston, en Jamaïque, le 18 juillet 1897. Après avoir obtenu un diplôme de la Wolmer’s School, la plus prestigieuse école jamaïcaine (fondée en 1729), il arrive à New York le 20 mars 1917, en transit vers Montréal. Admis à l’Université McGill en 1919, il est diplômé en 1924 et aussitôt embauché comme ingénieur-chimiste à l’usine de pâtes
et papiers Wayagamack. De 1924 à 1932, il habite à Trois-Rivières, puis s’installe à Sainte-Marthe-du-Cap. Félix Leclerc est né à La Tuque, le 2 août 1914, dans une famille qui compte bientôt 11 enfants. Après ses études à Ottawa,interrompues prématurément en raison de la crise économique, il rejoint sa famille à Sainte-Marthe-du-Cap en 1932. C’est à ce moment qu’il fait la connaissance de Frank Randolph Macpherson, avec qui il se lie d’amitié. Macpherson devient l’ami de la famille Leclerc et encourage, par ses lectures et récits de voyages, le jeune poète à partir de son terroir pour s’ouvrir au monde. Félix compose la chanson « MacPherson » en 1948. L’auteur-compositeur-interprète quitte le Québec pour la France en novembre 1950. Il y donne son premier spectacle à l’ABC le 22 décembre de la même année. La France reconnaît le grand talent de Leclerc, qui gagne le Grand Prix du disque de l’Académie Charles-Cros en 1951. Félix fait des tournées en France, dans divers pays d’Europe et du Proche-Orient. Macpherson meurt subitement, possiblement d’un problème cardiaque, lors d’une tempête, début février 1951.

Le calepin d’un flâneur
FÉLIX LECLERC
Éditions FIDES 1961
Bibliothèque québécoise
Gracieuseté de GAËTANE M. LECLERC

Dans Le calepin d’un flâneur, publié en 1961 aux éditions Fides, Félix écrit, à propos de Frank Randolph Macpherson :

MacPhersen, ONF-NFBMon premier ami :
Il arrivait le dimanche soir avec son cahier de musique de Schubert. Timidement il invitait ma soeur à se mettre au piano. Assis derrière elle, il battait la mesure comme s’il chassait les mauvaises heures de la semaine. Épanoui, il repartait avec son cahier, s’inclinait profondément devant ma soeur, se tenant le plus loin possible d’elle parce que c’était un noir. Il cuisait son pain, élevait un dernier citronnier de son pays, dans un pot près du poêle et mangeait parfois des pétales de rose dans du miel chaud. C’était aussi un savant. La compagnie de produits chimiques où il travaillait, lui était redevable d’une quantité de trouvailles. Il ne tirait gloire que de la permission de vivre. Il prédisait la chute de ceux qui fanatisent les hommes sous quelque drapeau que ce soit. Pas de violence, pas d’armes chez lui, ni cadenas aux portes, ni clôtures, ni fouets. Ma mère l’aimait comme un fils lointain. - She have always a smiling chair for me, disait-il d’elle. En échange de quelques heures de musique du dimanche soir il donnait un petit pain de blé cuit chez lui. Dans un de ses prés, il avait semé le soja de son pays que des bêtes errantes ont dévasté une nuit. Je lui rendais visite le dimanche après la messe. Une fois avec ma mère pour voir le petit citronnier. - She is a queen your mother, how is the queen today? Et un jour la queen est morte. Et il eut autant de chagrin que nous, ce qui bouleversa mon père. Après, moi, devenu un homme, je suis parti bien loin. Dans une lettre venant de la maison, on me racontait sa mort. Il est mort gelé, en février de tempête, assis à la table, le repas gelé dans son assiette, une serviette blanche autour du cou. C’est mon frère qui l’a trouvé ainsi après la tempête. Ne le voyant plus passer sur le chemin depuis trois jours, il est allé voir : pas de traces sur le perron mais la lumière allumée en plein midi. Il a forcé la porte, l’a vu assis à la table, une petite chèvre encore vivante sur les genoux et son chien mort à ses pieds, dur comme du bois. De la grande ville est venu un petit camion qui l’a emporté dans une caisse. Il n’y eut ni glas, ni fleurs, mais des pleurs de celle qui jouait Schubert. On s’est distribué ses hardes, comme on s’est partagé les vêtements du Christ autrefois.
Oh, lointaine clarté des étoiles!

Félix Leclerc
Paris, décembre 1959

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